L’homme qui marche, on le sait depuis toujours, stimule considérablement ses expériences sensitives. Partez à pied sur un raidillon de montagne, ou sur une plage à marée basse, ou sur un banal sentier campagnard, et aussitôt vous ferez éclore autour de vous un enchantement de couleurs, d’odeurs, de chants d’oiseaux, d’ailes de papillons, de souvenirs enfouis qui, mystérieusement ressuscités, feront un bout de chemin avec vous. Parfois même, pour peu que vos lectures vous habitent, vous rencontrerez tel prophète d’Israël, tel aède grec, tel ermite celte ou tel écrivain d’aujourd’hui dont les pérégrinations, par-delà les distances et les siècles, vont croiser les vôtres. Car la marche, pour celui qui se refuse à n’y voir qu’un banal exercice physique, se transforme rapidement en une quête spirituelle, en une étreinte renouvelée et vivifiante avec le monde lumineux des origines. Guy Féquant a rassemblé dans ce recueil des textes qui lui ont tous été inspirés par ses randonnées à travers l’Europe sauvage — ou ce qu’il en reste : poèmes, méditations brèves, tableaux ou rêveries souvent rétractés jusqu’à l’aphorisme. Amie de la mémoire et scandée au rythme des pas, la sentence n’est-elle pas, au fond, le seul genre que le marcheur puisse pratiquer sans artifice ? Né au grand air, ce carnet ne demande qu’à y retourner. Il s’adresse en priorité à ceux qui l’emporteront dans les bois, dans les marais, sur les névés aveuglants ou tout simplement au fond de leur jardin — partout où la lecture peut redevenir, comme la marche, ressourcement et accueil silencieux de tous les frissons de la nature.