Cet ouvrage n’est ni une étude scientifique ni une saga régionaliste. Il s’agit plutôt d’une histoire, au sens initial que les Grecs donnaient à ce mot, c’est-à-dire une enquête buissonnière et néanmoins rigoureuse, avec un fil conducteur biographique non dissimulé, mais non envahissant. Rédigeant ce livre, j’ai constamment pensé à tous ceux qui, bergers ou laboureurs, ont — depuis six mille ans — façonné le visage de la Champagne. Sans le savoir, ils produisaient en respectant la terre, tandis que nous la massacrons en le sachant, et en nous en accommodant. J’écris ces lignes pendant l’été 1985, vingt ans jour pour jour après que mon grand-père eut définitivement posé sa houlette de berger et rattaché son chien à sa niche, mais je pourrais mettre en épigraphe la phrase des Mémoires d’outre-tombe : « Du temps présent, au temps que je vais peindre, il y a des siècles. » Tout le reste, si j’ose dire, est littérature.