Dans À la recherche du temps perdu, Proust développe une théorie de l’homosexualité, largement inspirée de la psychiatrie de l’époque. Or, non seulement elle ne s’applique pas à certains personnages dont on apprend qu’ils sont « homosexuels », mais Charlus lui-même ne cesse de tenir des propos qui la contredisent. La théorie est ainsi déconstruite au fur et à mesure qu’elle est construite. Il en va de même chez Genet, où l’on voit toutes les théorisations démenties par les pratiques réelles. Pourtant, cette instabilité générale de la théorie reste prise dans les cadres fixés par les normes et les notions obsessionnellement rappelées du « masculin » et du « féminin ».Il s’agit dès lors de comprendre comment les pratiques « subversives » et les discours « hérétiques » peuvent à la fois constituer d’importants « contre-discours » et « contre-conduites », tout en laissant intact le système du genre et de la sexualité, et donc en participant à sa perpétuation. Comment penser dès lors la transformation sociale et politique, si ce n’est en portant le regard sur la reproduction de la structure qui s’opère à travers l’opposition toujours rejouée entre normes et contre-normes ? Et en insistant sur ce qui permet d’échapper à cette logique pour rouvrir la temporalité historique que tendent à fermer les « verdicts sexuels » qui façonnent les individus malgré eux ?