« J’ai perdu la lumière » annonce le poète. Et ce veuvage sourd l’étrange sensibilité d’un poète aux mots simples, tour à tour passant merveilleux (« Je peux baguenauder/la peine en poche »), observateur ébloui (« l’homme sur l’avenue amplifie l’heure »), cœur anxieux (« J’ai hâte des rires tristes »). La solitude, Michel Crozatier sait nous en adresser la confidence, dans une écriture presque objective, contenue, quoique haletante d’images secrètes. Même si les beaux frémissements n’échappent pas toujours à la dérision d’être, il arrive que l’on « capture une étoile ». Tel quel, avec obstination, le poète reste debout, au milieu des « cris aigus des couleurs », parcourant la vie à tâtons, essayant de délier le bâillon de ses propres interdits. Ici la « poésie, art de l’instant ».