Il s’agit bien sûr de l’amour, du souvenir de l’amour, quand la « mémoire se fait sang ». Une sensibilité blessée agite, interroge le souvenir, fait détour par le symbole de l’enfant de la crèche, lamente l’amour d’autrefois, en vers sensuels et paniques : « Tes mains sont trop serrées sur des caresses non données », « Mais en face il n’y a plus d’en face ». Cependant, l’absence est vite niée — ne serait-elle qu’emportée par l’allégresse du lyrisme. Si l’amour ne cesse de se dissoudre en buée, la mélancolie de l’absence appelle le voyage, qui va la secouer, la distraire, aux lieux « où vont mourir les larmes », avec l’arme de l’espace, celle de la Nature aussi où « la lumière est une transparence décidée pour l’amour ». Désespoir, sursaut d’espérance, relais de foi en la vie représentée par l’écriture : l’homme solitaire veut « enfanter sa parole ». Et le poète, hanté par le goût de la liberté, se demandant quel « savoir » contient l’amande amère de l’amour, comme malgré lui poursuit sa quête « de l’autre rive », où l’on se rend si facilement, quand deux mains sont unies pour ramer.