Créer, disent les grands textes fondateurs, c’est partager et départager : entre des mortels et des immortels, entre des humains et des bêtes, entre un Dieu éternel et des êtres éphémères, entre un corps périssable et une âme immortelle… Ce geste premier lance toute l’enquête. Scruter les façons dont ces partages ont été repris, transformés, contestés, rejetés au cours des siècles : tel est son objet. Ce sont donc autant de figures historiques de l’homme qui sont, un chapitre après l’autre, interrogées : l’anthrôpos grec, l’homo humanus romain, l’homo christianus, puis l’homme des humanistes, celui aussi qui fait sien le "je suis homme et rien d’humain ne m’est étranger", avant que la proclamation "l’homme est un Dieu pour l’homme", elle-même bientôt suivie par l’annonce de "la mort de l’homme", ne débouche sur la récusation d’un ' propre ' de l’homme et de tous les dualismes qui, au cours des siècles, ont jalonné son histoire. Humains, humanismes, inhumains : le sous-titre précise encore le cadre historique. En se conjuguant et en s’opposant, les trois termes font système. Les humanismes, en s’attachant à départager l’humain de l’inhumain, ont recherché des voies pour que les humains, au moins certains d’entre eux, le soient plus ou mieux. Ce qui ne les a pas toujours empêchés, il s’en faut, d’être aveugles à l’inhumain. Aujourd’hui, c’est l’humanitaire qui, face à l’inhumain, revendique d’agir au nom d’un propre de l’homme : sa dignité. Parcourir ce grand arc qui mène de la formation d’anthrôpos à sa dissolution n’implique ni que ce chemin fût tracé d’avance ni qu’il doive déboucher sur une quelconque apocalypse. En revanche, c’est montrer comment le moment présent, celui d’une désorientation généralisée, s’inscrit dans une histoire longue. Et, du même coup, aider à le mieux comprendre.