Le droit d’être soi s’est affirmé, depuis les années 1970, comme une idée-force majeure, un puissant transformateur anthropologique. Il a bouleversé le rapport des individus à eux-mêmes, au genre, à la sexualité et à la famille, au travail et à l’art, à la politique et à la religion. Il a remodelé de fond en comble la façon d’être soi et de vivre en société, façonné une nouvelle condition subjective, enfanté une nouvelle phase de la civilisation des individus. Il a contribué à l’avènement du stade hypermoderne de l’état social démocratique-individualiste : il nous a fait changer de monde. Nous voici au moment où cet idéal est parvenu au zénith de son rayonnement social. Il s’agit désormais d’être soi dans la consommation courante, dans l’alimentation, les voyages, le vêtir, la décoration du chez-soi, les manières de communiquer. Plus aucun secteur n’échappe au fétichisme de l’authentique. Partout nous voulons du sens, du vrai, de la transparence, du naturel, de la sincérité, de la fidélité à soi-même. Nous vivons la phase de parachèvement historique de la culture d’authenticité. Est-elle capable de relever tous les défis de notre siècle anxieux ? Rien n’est moins sûr.