Il existe de nombreuses histoires des papes. Mais les historiens hésitent, de manière fort compréhensible, à aller au-delà de leur période de spécialisation, préférant rédiger des ouvrages collectifs. Dans certains cas, il s’agira d’études centrées sur la papauté contemporaine, sur la relation entre les papes et la France, fille aînée de l’Église ; dans d’autres, qui se révéleront parfois engagées, on se limite à raconter la vie des papes.Pourtant, la papauté comme institution globale, cherchant à guider les sociétés, doit aussi être réinsérée dans un cycle historique de long terme, celui qui a vu un espace marginal, qui s’est désigné comme « chrétienté » puis comme « Occident », se développer avant de se projeter à la conquête du globe, jusqu’à la « mondialisation » actuelle.Le rôle de la papauté dans cette histoire a été esquivé par un compromis historiographique entre auteurs laïcs, soucieux de faire un récit du progrès dégagé de l’Église, et auteurs catholiques, désireux de faire l’histoire irénique et morale d’une papauté humanitaire au-dessus des États, des frontières et des guerres. L’objet de cette réflexion sur la papauté sera au contraire de réinsérer celle-ci dans une histoire complexe, qui ne peut se réduire à un ordre linéaire et simpliste, celui d’un progrès scientifique, économique ou d’une sortie de la religion, une histoire dont on cherchera à redécouvrir toute la pluralité.