Vidé, privé d'énergie, le roman continue sur sa lancée à assumer des tâches et se proposer des buts que les médias modernes ont repris à leur compte de manière plus efficace et même, si on en croit les chiffres de l'édition, plus séduisante, au point que certains romanciers leur ont emboîté le pas et fait allégeance, sans doute involontaire, pour produire des romans-reportage ou romans-réalité, sans parler des romans people qui font fond sur la surface médiatique de leurs auteurs, ainsi bouclant la boucle et lui passant au cou le fatal nœud coulant. Bref, pour les écrivains sérieux, le roman est mort depuis longtemps. Pour l'écrivain amusé, il peut être divertissant de lui insuffler un peu de vitalité en rassemblant ses membres épars, comme Isis fit pour Osiris – sans aller jusqu'à prétendre lui refaire le phallus qu'il a perdu à tout jamais – comme dans ce texte, ou tissu, où il invite le lecteur à se sentir libre de progresser au gré d'une flânerie enfantine dont la logique et le cours ne se laissent pas perturber par les sautes de sujet, de temps, de lieu et d'action, en fait comme un poisson dans l'eau que ne dérangent que les coups de queue, ou brusques retournements que, poisson lui-même, s'invitant dans son propre élément, il a tenté ça et là d'y donner pour l'agrément de ceux qui préfèreront une approche plus attentive. Cela avec l'ambition, ou plus modestement l'espoir, de donner à ses confrères l'idée de s'engager dans la voie ainsi ouverte, et d'avoir ainsi fondé un sous-genre romanesque : le commencement, qui pourrait se décliner en milieu ou fin, redonnant ainsi au genre un peu de la vitalité qui lui manque.