Je l’ai dit : je suis un malin, un rusé, mais il a fallu tout abandonner : partir, voguer. Ah ! ce las hiver n’en finissait pas, avec ses senteurs de tombe. Aussi ai-je donné la main à ce qui en moi, dédaigneux de toute cette science amassée, voulait lâcher, s’exclure. Je suis parti. Je ne sais s’il aurait fallu m’arrêter car depuis lors j’ai tout perdu, tout désappris : je ne pourrais tenir la chaire de la plus ridiculement insignifiante discipline. Celle-là, parlons-en : c’est elle qui m’a eu : je suis son esclave et je ne sais même pas ce qu’elle veut me faire faire. Bref, je suis un miséreux, un perdu, j’erre – mais on me voit, on me signale de chemins en chemins, j’ai les amis de passage, les imbéciles, les miséricordieux –, tous le savent et me le cachent bien. Un jour ils me feront la surprise : ils me diront ce que je fais. Ne rien leur dire serait leur faire plaisir, donner un sens de plus à leur bonté. Aussi tairai-je la réponse que j’ai déjà préparée : “le bruit dans le bois qui flambe, le hêtre, l’ermite, le sansonnet.”