À l’assaut de son propre « Donjon » — si loin de lui-même —, Yves Gasc rencontre la solitude. Il ne s’habitue pas à cette machine debout, hésitante, parfois lâche, toute bourrée d’organes. Occasion pour vanter les charmes de la mémoire secrète, presque toujours dans des décors de ville. Mais le livre évoque aussi la Nuit comme la seule patrie libre, celle du sommeil et des songes, et les nuits des « corps sans noms » où « caresser les fruits de fortune », ou l’être élu par le solitaire. Cela va jusqu’au rêve de fusion totale dans l’ultime étreinte. Ici, la quête d’amour se corse d’une aventure intérieure — que le poète le veuille ou non, —, d’une recherche de sa propre identité, d’une série de questions posées à « l’autre », avec un peu de cette terreur qu’on met à se reconnaître. En même temps le plaisir fait fête, agite et insulte en exhibitionniste le funèbre : désir d’être nu « devant la mort promise ». Amertume domptée, canalisée, devenue finalement vibrante : il reste un espoir pour Yves Gasc. Le devenir d’un homme nouveau, débarrassé du meurtre, de la guerre, de la torture, c’est dit nettement, même si cet infini convoité reste solidement laïc. Les moyens mis en œuvre par le poète sont attachants en ce sens qu’Yves Gasc reste en arrière-fond une sorte de classique épuré. En fait, pour lui, le « moderne » n’est pas lié à une mode langagière, mais à une qualité de secret qu’on laisse entrevoir. Cette vibration de cristal que rend un cœur authentique résonne ici. Jean Breton