Contre l’époque « où perdre pied », contre le sentiment aussi d’une déchéance chaque seconde plus accusée — travail du « temps qui nous moisit jusqu’aux os » — se constitue modeste et précieuse, déchirante et apaisée, l’éthique du « philosophe de campagne ». Éthique contradictoire, on l’imagine (mais justement à l’origine de cette démarche poétique) qui combine deux tentations irréconciliables, peut-être. Celle, d’abord, de devancer la cruauté du temps en l’affirmant dans l’écriture, de désamorcer la tragédie par un constat tragique et désabusé : Dupes de tant d’heures sonnées C’est — lorsque la mort vous efface — Comme si vous n’étiez pas nés. L’autre tentation est de nier. Cette négation n’est pas seulement panique devant l’évidence commune ; elle donne son impulsion à une recherche indéniablement orientée vers la transcendance : mirage de l’ailleurs : Je cherche un cri jamais crié de la nuit d’aucun encrier. Ce point rageusement recherché, à travers la « détraque », ce point capable d’arrêter le temps, Daniel Lander y accède et ce sont des images qui surgissent arrachées, dirait-on, au lent vertige de destruction : L’express incandescent attise Les braises de la nuit sans brise. Belle entreprise, même si vouée à l’échec (il reste à l’auteur de lui donner un sens) parce qu’elle constitue un édifice équilibré mesure et démesure se conjuguent pour donner forme à des poèmes d’une évidente qualité plastique.