On croit savoir. Les journaux, la télévision paraissent avoir tout dit et tout montré du Cambodge et du martyre de son peuple. Et tout à coup un témoin surgit. C’est Pin Yathay, un rescapé, un ingénieur qui comme des centaines de milliers de citadins fut, avec sa famille, contraint de quitter Phnom Penh le 18 avril 1975, lendemain de la victoire des Khmers rouges. De déportation en déportation, il connut les travaux forcés, la famine et les deuils. Il raconte ce qu’il a vécu au jour le jour, et nous découvrons que nous n’avions de la tragédie du peuple cambodgien qu’une vision abstraite malgré tous les reportages. C’est que, pendant plus de vingt-six mois, Pin Yathay a connu l’enfer. Il a assisté à l’abolition de la monnaie ; il a perdu son identité ; il a défriché les forêts insalubres ; il a vu mourir de faim et de maladie ses enfants, ses parents, ses frères et sœurs, ses cousins. Inséparables, ils étaient partis dix-huit de Phnom Penh. Seul survivant de ces dix-huit déportés, Pin Yathay arriva miraculeusement en Thaïlande au mois de juin 1977, après avoir marché pendant quatre semaines dans la jungle. Sa femme, sa compagne d’évasion, s’était égarée dans la forêt. Elle disparut à tout jamais. Aussi Pin Yathay n’écrit-il pas un pamphlet ou un essai politique, mais le récit de sa détresse et de son entêtement à vivre. Il le dédie à ses enfants, à sa femme, à ses parents et à ses amis exterminés par la froide résolution criminelle des Khmers rouges. La vérité humaine est là. Pin Yathay nous la rapporte telle qu’il l’a vécue. Désormais nous savons.