Une de ces grandes maisons délabrées qu’on appelle encore le « château ». C’est là, le temps d’un long week-end d’été, qu’Alain Hauturier vient chercher refuge, près de sa mère, contre les ravages de l’amour qui le dévore. Et c’est vrai qu’ils sont tous là, les ingrédients de la passion : une femme lointaine, un rival, des lettres perfides, un voyage. Un « roman d’amour » donc ? Plutôt son négatif. L’héroïne n’apparaît pas, le rival se dérobe, les lettres demeurent inachevées, le voyage ne conduit qu’à l’échec. En fait, le récit se reporte, se réfracte sur le héros, qu’il met en scène et interroge : ne serait-ce pas à lui-même, et sans qu’il s’en rende compte, qu’Alain Hauturier a d’abord donné rendez-vous ? De même que L’amateur d’images, le précédent livre de Gérard Bonal, ce roman nous dit ainsi une crise, non plus celle où se trouvent brutalement congédiées enfance et adolescence, mais plus gravement sans doute, cette passe singulière qui, par-delà les retombées de la passion, nous conduit au moment où nous commençons, à travers les « premières neiges de l’absence », à nous replier frileusement sur la solitude de l’âge mûr. Acuité psychologique, musicalité nostalgique de l’écriture : c’est la plus haute tradition du roman d’analyse que nous rejoignons ici.