Il n’est pas malséant d’évoquer la « guerre d’Algérie », ni malsain d’avoir pu biaiser avec elle et de le dire. Pourtant ce roman est sacrilège. Il fabrique de la littérature avec la guerre et met la démission en poésie. En fait, il recherche, préserve, utilise toutes les ressources de la distance. Car il n’y a pas de littérature d’écorché-vif ni de poésie sans mise en formes. Autant pousser au plus loin, comme on se lave les mains des crimes commis par d’autres. « Comme » Ce roman est écrit sur « comme », sur l’oubli recherché, sur le sable et le vent, peut-être déjà sur le pardon. Deux enseignants d’Alger se retrouvent, à dix ans d’intervalle, un poète à sonnets, un philologue à étymons. Il y a leur discussion en 1971, dans ce café cerné de vitres et de souvenirs. Il y a surtout la pensée de l’un d’eux qui vagabonde, par-delà la conversation, dans les années 58-61, parfois même avant, au gré des chemins imprévus de la mémoire. Dialogues et monologues intérieurs alternent dans ce texte, comme l’italique et le romain des caractères, pour construire un objet littéraire, volontairement marqué de motifs qui s’entrelacent. Quelle est cette morte qui en fait la « source » : l’amour de l’Autre, la rencontre des cultures, l’Algérie ? Le tutoiement du monologue devient accusateur… Antithèse ambiguë et perverse de la guerre, ce roman chante en sourdine la désobéissance. M.J.