Quoique la rue du Couteau soit un endroit bien banal, avec son bistrot, ses commerces, son garage automobile et sa résidence moderne (du studio au cinq pièces), il y a beaucoup à y voir ; et, chez ses habitants, beaucoup à surprendre ou à deviner — passions, secrets, mensonges, désirs. Fernand Bracca, le faux dur, soulard et mal embouché, vit une tumultueuse passion charnelle, et commet diverses sottises qu’il expiera dans les larmes sans avoir rien appris ; le concierge rêve de conquérir la rousse provocante du quatrième ; la vieille dame songe au mystère de sa vie en regardant un chat tigré ; le bistrotier Badolin sert de souffre-douleur à son épouse, le curé méprise son prochain, et Dominique, la fille du garagiste, éprouve à quitter l’enfance des désirs mêlés de crainte ; pendant ce temps Delboux et Mazérac, bourgeois du quartier, bêtes et opulents, pérorent au comptoir. Il y a aussi un crustacé fantastique, reclus dans un aquarium, et qui gesticule ; personne ne sait ce qu’il veut dire, ni d’ailleurs ne s’en préoccupe. D’autres personnages, le temps d’un chapitre, traversent le récit, et nous éloignent, à l’occasion, de la rue du Couteau. Que valent toutes ces vies et que signifient-elles ? Le roman se termine au bord de l’Océan, qui donne à cette question une réponse peut-être contestable ; car nos existences et nos passions, à nos propres yeux et à son point de vue, n’ont pas tout à fait la même importance.