Pendant des siècles la justice a été rendue dans le silence, devant un peuple béat ou terrorisé. Si depuis quelques années le mystère se dissipe, si l’institution judiciaire redescend peu à peu du ciel sur la terre, c’est en partie grâce au Syndicat de la Magistrature. Le premier mérite de celui-ci est d’avoir brisé le silence, d’avoir pris la parole. Et comme toujours, la parole qui fuse après avoir été longtemps retenue est révolutionnaire. Les magistrats syndiqués — plus d’un quart des magistrats français — ne se satisfont pas d’une critique moralisatrice du fonctionnement de la justice. Ils veulent davantage : agir à l’intérieur de l’appareil judiciaire pour imposer le changement par une nouvelle pratique. Mais déjà apparaît cette évidence : démythifier la justice et tenter de la rétablir là où elle n’existe qu’en apparence conduit à une remise en question de la société tout entière. C’est pourquoi l’apparition du Syndicat de la Magistrature constitue sans doute l’un des phénomènes les plus importants de notre histoire politique récente.