La folie exclut-elle la création, la rend-elle impossible, inimaginable ? Ou au contraire enclenche-t-elle un processus propice à des pratiques inventives ? Ou, pour le moins, engage-t-elle à creuser l’absentement, l’imparlable, jusqu’à une douloureuse lucidité ? Dans quel état d’esprit la création – l’écriture, la peinture, le dessin, le théâtre, bref toute œuvre d’art – peut-elle avoir lieu ? L’acte de création n’est-il pas synonyme de marche sur la corde raide, menaçant l’artiste à tout moment de faire une chute, de se retrouver de l’autre côté de la frontière qu’il s’agit pourtant de tracer-traverser en dessinant, en peignant, en photographiant, en dansant, en écrivant, c’est-à-dire en en faisant l’avènement d’un espace habitable ? La littérature et les arts ne se constituent-ils pas corps à corps avec la folie dont ils traduisent les dimensions historiques, culturelles et individuelles ? Davantage : n’y a-t-il pas là, symptomatique, un rapport au sacré, et des filiations mystiques sans nom qui cherchent une grammaire du sujet débordé et du corps hors-de-soi, séparé ainsi que le dit l’étymologie ? Les misères et les faiblesses de notre monde ne tiennent-elles pas justement à notre pouvoir d’énonciation au sens où l’entend Judith Butler (Le pouvoir des mots) ? Autant de questions sur lesquelles se penchent les auteures de ce recueil de textes. Un livre qui se place au cœur des préoccupations actuelles des champs littéraire et artistique.