Marx part d'une phénoménologie du travail qui transparaît sous la catégorie du travail vivant. Or, une telle phénoménologie ne s'articule pas sans paradoxe avec l'analyse de l'action, à l'horizon de laquelle on rencontre inévitablement le concept du système. Partir du travail vivant pour aboutir comme Marx à l'idée phantasmatique de la communauté universelle, ne peut se faire qu'en biffant l'opacité de ce système des actions. Symétriquement, s'installer dans une analyse du système, c'est tenir le point de vue du travail vivant pour non pertinent. Pourtant, l'affirmation de la réalité de l'acte de travail peut se réarticuler avec l'exploration des contraintes de système. Le travailleur fait l'épreuve du réel dans l'expérience de son corps agissant, et est en droit de déclarer décisive son intervention dans le procès de production ; mais il ne peut agir sur le système mis en jeu dans ce procès que s'il se sait pris au piège que lui tend la combinaison des répercussions de son action et de celles des autres, s'équilibrant avec la sienne. La théorie de l'action, ainsi étendue au domaine du travail, prend alors la relève de ce qui se donnait comme ontologie de la praxis. Ni apologétique ni polémique, cette discussion montre qu'il y a dans la théorie de l'action des problèmes pour lesquels on ne peut faire l'économie d'une refonte des concepts fondamentaux de Marx. Pour une nouvelle lucidité dans l'action.