Il est souvent étrange de croiser le talent d'un auteur, lorsqu'il s'exerce à la lisière de mondes qui vous sont éloignés. En chassant pour l'Atelier Julliard, je n'imaginais pas que puisse s'imposer à moi le choix de ces contes baroques où - comme sous le soleil de sciure d'une arène, comme à l'ombre du tabernacle d'une église espagnole - l'or, le sang, la pâleur, le courage, les larmes, et cette pourpre théâtralité qui a fabriqué les toreros, les conquistadors et les martyrs, font cortège à la course sauvage et charnelle de jeunes héros lancés vers leur destin d'arrogance, de folie et de cruauté. Éclaboussante lumière. Rêves de toros. Sourde envie d'immoler les hommes. Forces mouvantes, obscures et cruelles. Trésors perdus dans la jungle. Entre esclavage et liberté, crimes et expiation, amour charnel et soumission passive au danger, Mathieu Lipschutz, fou d'Amérique latine, d'Espagne, d'histoire et de voyages, sait que la violence constitue le vin et le vent de la jeunesse. L'espace de trois histoires, du Brésil du XIXe siècle à la feria de Nîmes, il nous entraîne, voyageurs consentants, dans une danse macabre, fulgurante et sensuelle, jusqu'au bout de la fête tragique. Jusqu'au bout du fleuve de la mort.