Claude Gutman me fait penser à Charlot.Il est de cette catégorie de quêteurs d'espoir, terrorisée par l'embrigadement, qui n'hésite pas à donner un coup de pied vachard au bas du dos du policeman, sitôt que ce dernier se met en position de lui tourner le cul. C'est physique et impayable ce besoin de résistance, cet humour de clown triste, cette impertinence par politesse. C'est courageux cette façon exaspérante de raconter l'indicible, en acceptant le risque de la facétie, cette faculté de fabriquer de la gaieté à même les égratignures, de la tendresse sur des chagrins inconsolables, ou de fertiliser la mémoire en tisonnant, avec irrévérence, des souvenirs aussi graves que ceux du génocide. Claude Gutman est un Petit Poucet juif. Un rescapé du chemin des voyages sans retour. Il aborde la comédie de mœurs avec, pour tout viatique, des cailloux blancs dans sa poche à malices. Il essaie de revenir à des pleurs de rire. Il dépose, sur les tombes d'une communauté déchirée par les pogroms, quinze petits cailloux en forme de nouvelles : autant de minuscules souvenirs en passant. C'est la tradition. Dessus le cimetière des nouvelles espérances, il s'ingénie, avec humour, à mesurer l'inquiétude, la grandeur et les mesquineries du quotidien. À quoi je serais tenté d'ajouter : souvent, les fables drôles me gonflent le cœur. Lentement, elles ont du mal à refaire surface. Au-dessus des préjugés, il faut pourtant que les êtres s'accordent le plus de délivrance possible. C'est le sens de la vie, n'est-ce pas ?