C’est peut-être parce qu’on se fait de la sainteté une idée fausse que, si souvent, on y renonce d’avance pour se contenter d’être « un bon Chrétien ». Comme si le Saint était autre chose qu’un bon Chrétien, et si la sainteté n’était pas, selon l’apôtre, la vocation commune de tous les Chrétiens, la vocation chrétienne elle-même... Mais on se reconnaît incapable de la bâtir, et l’on ne songe pas assez que « ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu » : il ne s’agit pas de se bâtir une sainteté, mais de la recevoir comme un don... On regarde les chemins qu’ont suivis les Saints canonisés, et l’on n’y reconnaît pas sa route, pour la raison qu’il ne s’agit pas de suivre les chemins des autres mais sa propre route, qui passe par la fidélité aux devoirs quotidiens de chacun... On est effrayé par des austérités qu’on n’a pas le courage, pas la force peut-être, de s’imposer, alors qu’il s’agit moins de s’imposer des austérités, que d’accepter avec un constant amour la croix que la vie même fait peser sur les épaules... Mais, peut-être, une grande part de ces erreurs est-elle due à ce que les Saints que nous contemplons sont loin de nous dans le temps, par les circonstances de leur vie, par l’œuvre qui les a signalés à l’attention. Que ne regardons-nous plutôt vers tous ces Saints qui, dans la rue, mènent la même vie que nous : un prêtre comme Julien Eymard, un professeur comme Ferrini ou Ozanam, un ouvrier comme Matt Talbot ou Sulprizio, un gars de patronage comme Dominique Savio... une simple maman comme Jehanne ?