Le destin de l’œuvre d’Althusser fut très singulier. D’une part, il a été le premier et l’unique penseur marxiste de haut vol que la France produisit dans toute son histoire. Au milieu des années soixante, lors de la parution de ses œuvres classiques, Althusser acquit un prestige qui semblait inébranlable. De nouvelles perspectives, de nouveaux concepts, des rapports solides avec des disciplines voisines (la psychanalyse, l´anthropologie, etc.) se sont ouvertes moyennant une lecture rigoureuse de l’œuvre de Marx. Mais cet éclat ne dura pas longtemps. Dès le début des années soixante-dix, son nom a été associé, ne serait-ce que par simple proximité chronologique, à la crise du marxisme puis à l’effondrement des régimes de l’Est. L’œuvre du philosophe fut dès lors stigmatisée et jetée, après sa mort en 1990, aux oubliettes. Deux faits vinrent changer la situation : la publication posthume de son autobiographie et celle – encore en cours – de ses textes inédits. La sincérité avec laquelle il décrit une vie jalonnée de soucis théoriques et de périodes de dépression émut profondément les lecteurs. Enfin, la publication des inédits fit naître un intérêt passionné pour son œuvre.