Jeune homme de la Nouvelle Vague, militant de gauche, producteur, distributeur, Marin Karmitz est né ailleurs, en Roumanie. De cette enfance-là, il a gardé une certaine mélancolie qui le suit à travers ses œuvres, ses engagements et ses questionnements. Grâce à une mine d’archives inédites, Antoine de Baecque replace ce destin dans la longue histoire du XXᵉ siècle. Le petit garçon juif de Bucarest, rejeton d’une riche famille échappant à la Shoah et au régime communiste, avant de se réfugier en France. Puis la vie d’un lycéen chahutée par une énergie politique précoce tournée contre les injustices. Sa formation comme opérateur et ses années de cinéaste seront à l’image de son militantisme contre la guerre d’Algérie et pour la révolution de Mai 68 : ses films gardent trace de cette volonté de témoigner de ce qui se joue dans la France d’alors. Épris de liberté, fer de lance de la contre-culture, Marin Karmitz s’engage également dans l’aventure de la distribution avec mk2, ce qui l’installe bientôt au cœur du cinéma français, non sans combats ni polémiques. En parallèle, il produit et accompagne dans leur création de grands auteurs, de Chabrol à Godard, de Varda à Resnais, de Kieslowski à Kiarostami, sans oublier les frères Taviani, Haneke ou Gus Van Sant. Voici l’un des plus beaux palmarès mondiaux : sept Palmes d’or à Cannes, trois Lions d’or à Venise, une trentaine de Césars. Rarement existence aura épousé à ce point les crises, les ruptures, les élans, rarement un homme aura souhaité être aussi « contemporain » de son temps.