Le moi n’est pas cette part de soi-même sur laquelle on peut se reposer sans arrière-pensée. Le moi n’est pas, tant s’en faut, la raison même. En partie inconscient, il s’agite pour faire croire qu’il maîtrise ce qui lui échappe, si bien qu’entre le moi et un "non-moi" on ne sait pas toujours où on en est. Aussi Laurent Danon-Boileau décide-t-il d’aborder le moi par ses contours, et, comme c’est une ruse, il fait en sorte qu’on ne discerne bientôt plus s’il s’agit 'du' moi, ou "de" moi : qu’est-ce qui, en bordant "le" moi, 'me' définit ? L'auteur procède par chapitres non conclusifs, parfois par fragments : ce qui n’est pas moi "ne peut se dire que dans le divers et l'erratique". Et, comme il faut des prises sûres quand on éprouve que le propre d’un sujet, c’est le regard qu’il pose sur ce qui n’est pas lui – pour s’en émerveiller, s’en trouver réveillé, ou pour s’en offenser –, les contours décrits font appel à des connaissances et des pratiques affirmées et précises : en psychanalyse, en thérapie d’enfants autistes, en linguistique, en littérature. Cette nouvelle histoire du moi, décrite via ce qui n’est pas lui, s’adresse à qui attend des livres un compagnonnage solide et délicat. "Le moteur même de mon propos, écrit Laurent Danon-Boileau : la pensée du lecteur, avec tous ses méandres et digressions. Ce que j’en imagine me soutient et me tient constamment en dialogue." Quand le lecteur du livre ne se distingue plus du moi de l’auteur (ou de son non-moi)…