Grâce à lui, elle était heureuse. Il aurait aimé qu’elle le lui dise. C’était sans doute impossible. Il tentait donc de bannir de son cœur toute revendication égoïste d’attention ou de reconnaissance. Quand il y parvenait, son bonheur grandissait. Ils vivent seuls et enfermés. Elle dans ce quartier dont les murs viennent au secours de sa mémoire défaillante. Lui dans le secret d’un appartement envahi de romans. Ils n’attendent rien, ils redoutent comme un danger le moindre changement. C’est par hasard qu’ils se rencontrent. L’un comme l’autre se défendent contre la tentation de se connaître puis, petit à petit, se laissent entraîner, s’abandonnent. Elle lui confie sa mémoire. Il accepte de l’habiter. Elle parle, au risque de l’oubli. Il découvre le bonheur de prendre soin d’elle, chaque jour un peu plus. Jusqu’à organiser ce voyage qu’ils feront ensemble à la recherche d’un premier souvenir – bonheur ou blessure – qui jusque-là était resté enfoui en elle.