Si la collection Poésie /Gallimard offre de Clément Marot une édition de référence de L’Adolescence Clémentine par l’un de ses plus grands spécialistes, Frank Lestringant, c’est un volume qui regroupe les œuvres de jeunesse du poète et ne peut suffire à rendre justice à celui que l’on considère généralement comme le fondateur avec Villon (dont au reste il proposa la première édition critique) de la poésie moderne. Il nous a donc paru utile de proposer cette nouvelle parution qui regroupe les 73 épîtres du poète dont une dizaine seulement était présente dans L’Adolescence Clémentine et où se trouve à son plus haut l’art frondeur, insolent de ce poète épris de liberté. Œuvre fameuse qui fait écho à son existence aventureuse, oscillant entre les faveurs du roi, la prison et les exils (Marot meurt à Turin à 48 ans), les Épîtres, outre leur originalité et leur virtuosité formelle, sont beaucoup plus que "l’élégant badinage" que vantait Boileau, l’invention d’un ton inimitable, une impertinence enjouée qui cache sous l’humour une pensée grave et libre, qui incarne l’audace de l’Humanisme. Ce sont deux universitaires tout aussi enjoués, Guillaume Berthon et Jean-Charles Monferran, qui ont bâti cette édition dont le souci premier, sans se départir de la rigueur scientifique, est de rendre les textes accessibles aux lecteurs d’aujourd’hui : modernisation de l’orthographe qui préserve la rime et le mètre, glossaire, notes, tout contribue à une lecture aisée. Le curieux comme l’étudiant y trouvera son compte..Epître au RoiDe Dedalus ou Perseus les ailesVoudrais avoir - il ne m'en chaut lesquelles.Bientôt vers France alors voletterais,Et sur les lieux plaisants m'arrêteraisPendant en l'air, planant comme un gerfaut.Si te verrais peut-être de là-haut,Chassant aux bois. Contemplerais la France,Contemplerais Loire qui dès enfanceFut mon séjour, et verrais mes amis,Dont les uns m'ont en oubliance mis,Les autres non. Puis, à l'autre volée,Regarderais la maison désoléeDe mon petit et pauvre parentage,Qui sustenté était de l'avantageQue j'eus de toi. Mais pourquoi mets-je avant,Sot que je suis, tous ces souhaits d'enfantQui viennent moins quand plus on les désire ?