"L’angoisse du devenir hante les récits de Saint-Exupéry. Lorsque le pilote dans son avion (Vol de nuit) connaît l’angoisse de ne plus atterrir parce qu’il s’est perdu, parce qu’il a dérivé, parce que désormais il ne voit plus rien et qu’il comprend qu’il vit ses dernières minutes avant une panne sèche qui le précipitera en mer, il vit aussi l’épreuve suprême. Soudain il comprend. Il devient. Il n'échoue pas dans le désespoir ni dans le cri de détresse. Il est allé jusqu’au terme de son voyage personnel. Lorsque le pilote de Terre des hommes se prépare à mourir sous la mitraille, il n’éprouve pas la peur moite de ceux qui voient arriver leur dernière heure. Il goûte le moment comme l’apothéose de sa vie, comme l’instant le plus intense de sa vie, dût-il en être le dernier : Je suis vivant. Je suis encore vivant. Je suis toujours vivant. Telle est la grande affaire : conjurer la mort."