Huit lettres, plus une au lecteur en manière d’épilogue – mais le lecteur est le vrai destinataire de ces lettres à : Lou Andreas-Salomé, Christine Angot, Alexis Géra (c’est alors à Monique Thiébaut, l’héroïne de Marguerite Yourcenar, que l’auteur prête sa plume), "En haut lieu" (c’est-à-dire à Freud), à Winnicott, Adam Phillips, Jacques Lacan, et à Michel Gribinski. Gilberte Gensel relève chaque fois une dissonance, un son désaccordé, et prend la plume pour tenter d’obtenir une sorte d’explication franche que sa lettre va imaginer, détailler et discuter. Or la fêlure incriminée est de près ou de loin de nature sexuelle. De très près, même, comme lorsque Lou Andreas-Salomé se permet d’écrire que "chez la femme l’appareil génital n’est guère qu’une partie du cloaque prise en location" ("en location!" s'agace Gilberte Gensel, avant de s’en prendre à ce bizarre "cloaque") ; ou lorsque Christine Angot évoque son père incestueux dans Un amour impossible, "comme s’il n’était pas mon père et que je n’étais pas son enfant" – et l’une de rappeler à l’autre qu’il n’y eut pas plus 'père' que le mythique "père de la horde primitive", qui possédait toutes les femmes et toutes les (ses) filles, et de lui poser la question indélicate s’il en est : "Qu’est-ce qu’un père ?" De plus loin, comme avec une singulière erreur répétitive de Lacan qui assagit involontairement une phrase célèbre de Freud. Et, à Freud, justement, que veut l’auteur ? Elle veut savoir, comme nous, ce qu’il aurait pensé du mariage pour tous. La dernière lettre, celle au lecteur, fait l’éloge de la dissonance sexuelle : la dissonance est sexuelle et ce qui ne dissone pas est monocorde, "ne trouvez-vous pas ? Et terriblement monotone".