"Un jour je ramènerai l’âme au bout de mon scalpel !" proclamait le maître de mon professeur d’anatomie. L’audace de ce défi qui m'arrachait au sommeil "bien-pensant" et aux tentations de l’obscurantisme me subjuguait. C’est ce même défi que j’ai trouvé, cette fois relevé chez Freud avec la notion d’appareil d’âme – le Seelischer Apparat – dont la représentation, sous le scalpel de la théorie, ne peut pas ne pas convaincre un esprit exigeant. Né du mariage de l’intérêt scientifique et de la passion culturelle, le concept d'appareil d’âme est si moderne qu’il n’est pas encore totalement admis dans les mentalités. La notion d’appareil, apparue là où on ne l'attendait vraiment pas, n’est pas une simple représentation de l’objet "âme" : elle rend à cet objet la réalité qui lui est propre – l’âme est le lieu où l’homme se révèle dans son irréductible "appareil". Cet appareil est immatériel, mais vivant. Il rayonne dans la durée, a une étendue – et "n’en sait rien", ajoutait Freud. Il a une épaisseur parce qu’il se développe par à-coups, chaque vague de sa croissance laissant des traces qui se superposent."La douleur, l’image, le processus et l’attente stratifient ces quatre essais sur la vie de l’âme et sa consistance indéniable. Au fil de pages inspirées, Jean-Claude Rolland retrouve cette consistance même dans la pratique de l’analyse et dans une clinique exploratrice où son invention de l'interprétation analogique entre en écho avec d’autres inventions, littéraires et picturales.