Après s’être attaché à décrire des personnages inspirés par d’autres que lui, Liu Xinwu nous livre ses Mémoires, dont le titre sonne à lui seul comme un défi . L’auteur n’est en effet plus retourné sur la place Tian’anmen depuis le 4 juin 1989, date à laquelle il a abandonné toute fonction officielle et dont l’anniversaire tragique coïncide avec le sien. Ces Mémoires couvrent une période s’étendant sur près de sept décennies, depuis la guerre de Résistance contre le Japon jusqu’à nos jours. Au gré de ses souvenirs, Liu dresse le portrait de la Chine communiste depuis 1949 et présente une galerie de personnages influents ou officiels – la dramaturge Sun Weishi, fille adoptive de Zhou Enlai, l’écrivaine féministe Ding Ling, ou Gao Xingjian, Prix Nobel de littérature. Homme de cran, il porte un regard d’artiste à la fois sensible et intuitif sur ces années qui ont façonné sa vie, sur un ton parfois vindicatif à l’égard de ceux qui ne l’ont pas épargné. Surtout, ce travail d’écriture s’est avéré salvateur : au terme d’une vie déjà longue et riche en événements, Liu se retrouve en paix avec lui-même.