La société contemporaine nous invite tous à être créatifs, et les arts et les artistes y sont sollicités pour nous aider à relever ce défi en acclimatant nos capacités à la créativité, embellissant nos objets et nos lieux, et en suscitant les liens sociaux nécessaires à nos cohésions. Les artistes deviendraient ainsi les ingénieurs en émotion souhaités il y a deux siècles par Saint-Simon, permettant alors la convergence des valeurs artistiques et économiques. S’agit-il pourtant de la même créativité ? Dans le brouhaha des créativités, celle prônée par la société créative est de satisfaire au mieux et au plus vite les besoins reconnus. Là où la logique de la créativité demandée par la société doit remonter d’un besoin précis vers l’amont, celle de l’art descend de l’amont vers l’aval, en explorant de nouvelles voies d’expression. Il peut alors exister une tension entre valeurs artistiques et économiques, tension aujourd’hui catalysée par une économie des données massives qui fait des personnes que l’art entendait éclairer de simples porte-données, manipulés par une image numérique qui interpelle plus qu’elle n’informe. Toutes deux font même du virtuel, metavers compris, le lieu de réconciliation de ces valeurs opposées. Mais ces expériences virtuelles ne relèvent-elles pas de la simulation là où celles du monde physique enrichissent la réflexion des acteurs ?