Les Parisiens qui profitent des charmes de la forêt de Fontainebleau ignorent souvent qu’ils la doivent à une sorte de ZAD (« zone à défendre ») d’artistes constituée au XIXe siècle par les peintres de Barbizon, soutenus ensuite par la célèbre romancière George Sand. Dès les années 1830, l’État décide d’abattre des arbres centenaires et de planter à leur place des pins, de meilleur rapport. Des jeunes gens s’élèvent contre cette décision et entendent bien lutter, au nom de l’art, pour préserver la forêt. Tout comme les actuels faucheurs de maïs OGM, ils vont la nuit arracher les pieds de pin ! S’ensuit une habile campagne de presse menée par ces activistes, qui, à la stupéfaction générale, l’emporteront. Le premier espace naturel protégé au monde est né à Fontainebleau en 1861, une dizaine d’années avant celui de Yellowstone aux États-Unis (1872). Mais quand, à partir de 1872, l’État est de nouveau prêt à raser des parcelles pour payer les dommages de la guerre de 1870, c’est au tour de George Sand de se mobiliser. Dans une magnifique tribune de douze pages parue dans le journal Le Temps, elle écrit le premier texte résolument écologique en France. La forêt, à ses yeux, est un bien incessible, propriété de l’humanité. Elle obtiendra gain de cause au terme de ce combat qui fait d’elle le précurseur des écoféministes. Patrick Scheyder revient sur cette histoire méconnue, à même d’inspirer les jeunes générations (et les moins jeunes), qui trouveront dans cette ZAD du siècle romantique les racines d’une conscience sensible de la nature.