Dans la production artistique québécoise s’établit souvent un rapport de force entre des groupes dominants et des exclus, des êtres « gâchés », qui témoigne d’une fabrique de l’exclusion foncièrement injuste et répressive. L’autrice de cet ouvrage observe cette violence dans la littérature et le cinéma par une analyse qui s’inspire non seulement de la sociologie et de l’anthropologie, mais aussi de l’histoire ou de la psychologie. Se fondant entre autres sur les théories de Durkheim, Foucault et Kristeva, elle fait état de la manufacture de l’exclusion qui ne saurait fonctionner sans la phobie ancestrale des sociétés humaines pour l’abjection, objet du mal par excellence, et dont la représentation procure, paradoxalement, une jouissance.Paroxysme de l’abjection : la mort. Dans le corpus étudié, l’autrice braque la lumière sur douze parias et marginaux – de Séraphin Poudrier (Un homme et son péché) à Wilfrid (Littoral) en passant par Thomas Roy (Sur le seuil) –, qui entraînent dans leur sillage décès, crimes et suicides, souvent illustrés de manière presque complaisante. Le point commun de ces personnages inoubliables, et la raison de leur rejet par la société bien-pensante, est, curieusement, leur supériorité. En somme, cette étude fouillée illustre bien le paradoxe qui oppose l’abjection de ces intouchables à leur pureté et le rejet qu’ils provoquent à une attirance certaine des auteurs, des réalisateurs et du public.