À la différence de ce qui s'est produit pour les périodes antérieures, ou encore dans le domaine des arts asiatiques, les interactions entre courants ésotériques et activités artistiques, à l'époque contemporaine, ont quelque peu tardé à faire l'objet d'enquêtes scientifiques approfondies - y compris chez les historiens de l'ésotérisme. Certes, des institutions pionnières comme l'emblématique Warburg Institute et son fameux Journal ont, dès l'entre-deux-guerres, mis en valeur ces relations et imposé leur prise en compte dans l'histoire du Moyen Âge ou celle de la Renaissance. De surcroît, l'Institut en question a également innové en termes d'approches et de méthodologie(s), intégrant à l'histoire de l'art les perspectives liées à l'histoire des idées, à l'anthropologie sociale, à la psychologie, voire aux « sciences occultes ». Toutefois, par rapport à celle de leurs manifestations antérieures, l'étude de l'art contemporain et de ses liens avec l'ésotérisme exige à son tour une démarche critique renouvelée, qui reconnaisse en particulier, dans les deux pôles en présence, des registres fortement imbriqués de la modernité « occulturelle ». Ainsi ce volume illustre-t-il, à propos d'exemples concrets très diversifiés, plusieurs modalités de cet échange vivant entre magie et style, énergie et forme(s), psychisme et plastique, dont participe au fond toute expression artistique.