Ce devait être un livre sur la légèreté, entrelaçant des figures dix-huitièmes : grâce et caprice, enchantement, libertinage, fêtes galantes, parcs et folies ; bonheur aussi, cette idée neuve. Mais l'exaltation d'un siècle aérien est sans cesse menacée par le retour d'un dix-huitième plus noir et plus terrible. Le siècle est trouble, il faut choisir, mais la narratrice hésite, tour à tour tentée par le frivole et par l'héroïque. La vie de Casanova ou celle de Robespierre ? Un lit de Fragonard ou des scènes d'échafaud ? L'herbier de Rousseau ou l'exhumation des tombeaux de Saint-Denis ?Watteau, Crébillon, Sade, Mesmer. Le parc d'Ermenonville et la prison du Temple. Tiepolo, Marivaux, Chardin, Danton. La narratrice entre dans le dix-huitième, il se diffuse en elle comme une drogue ou un poison – chaud, inouï, parfois terrible mais, l'époque le veut, toujours sensible.Impossible surtout d'aborder le dix-huitième et ses contradictions, sans avoir affaire à l'Histoire – une Histoire qui n'aime pas qu'on vienne en amateur sur son terrain. La narratrice n'est pas à la hauteur : elle bifurque, elle flotte, elle ne s'intéresse qu'à des détails, l'Histoire s'impatiente et le lui fait sentir.Le récit, la chronologie, les détails: autant d'occasions de conflit entre l'Histoire et son apprentie, cette narratrice égarée parmi les petits faits, les pompons, la porcelaine, les souvenirs qui lui reviennent d'un dix-huitième qu'elle n'a pas connu mais qui l'accompagne comme le secret d'une vie.Ce n'est pas un livre léger, finalement – il court après l'époque, s'accroche à des détails, ne ressemble à rien. Sinon à l'esprit même, à sa pensée volante, fragile, somnolente, tenace, livrée sans résistance à de très anciens affects.