Le boxeur montréalais Eugène Brosseau était une véritable vedette dans les années 1915-1935. C'est l'époque du capitalisme triomphant où le libéralisme économique est roi et où le développement de nouvelles technologies permet l'apparition des loisirs de masse. Ses victoires soulevaient l'enthousiasme et déclenchaient des passions, ses formidables coups de poings symbolisaient, pour plusieurs de ses compatriotes, la force du peuple canadien-français. Un journaliste le baptisa Gentleman Gene, titre récupéré par tous les médias de l'époque.Il faut dire qu'Eugène Brosseau était un boxeur atypique. Issu d'une famille de la petite bourgeoisie, alors que la plupart des pugilistes qu'il fréquente proviennent de milieux défavorisés, il suivra pendant deux ans des cours universitaires pour devenir vétérinaire. Il lisait quotidiennement Le Devoir et admirait Henri Bourassa. Surtout, il adorait l'opéra !Plusieurs journalistes américains nous enviaient cette jeune merveille du ring qui, en 1917, à San Francisco, triompha des meilleurs boxeurs amateurs poids moyens des États-Unis. Lorsqu'il devint professionnel au mois de janvier 1919, la majorité des commentateurs le voyaient déjà champion du monde de sa catégorie. Une mystérieuse maladie le priva toutefois du titre mondial. Après avoir accroché ses gants, il endossera le costume de professeur de boxe à la Palestre nationale et deviendra manager de boxeurs professionnels. Pendant l'espace d'une saison, il sera même le matchmaker du Canadien qui présentait des combats de boxe au Forum.Au-delà de l'hommage à une idole oubliée, Gilles Janson s'intéresse à une histoire négligée, celle du sport, qui enrichit pourtant notre connaissance de la société québécoise.