Dans la plupart des dictionnaires, la folie est définie comme l’aliénation mentale, et l’aliénation renvoie à la folie. Serions-nous tous fous ? Et pourquoi les régimes, les gouvernements et les polices créent-ils des institutions destinées à accueillir les malades ? Quels malades, de quelles maladies, selon quels critères ? Il s’agit moins au fond, de soigner que de réprimer tout ce qui sort des normes et des convenances de la société. Comment cette société a créé des instruments qui, sous couleur de médecine, sont destinés à assurer son bon fonctionnement, c’est ce que Jean-François Chaix et Nicole Boulanger nous apprennent ici, non pas du tout dans un essai ni au nom d’une idéologie : ce sont des témoignages concrets, de médecins, de psychiatres, de directeurs de centres de repos ou d’administrations pénitentiaires, dont le rôle est, en réalité, non pas de se protéger contre l’aliénation, mais d’abord de la fabriquer pour s’en protéger ensuite. Comment vit-on dans les centres d’éducation pour enfants arriérés ? Comment un médecin lucide analyse-t-il le rôle que les pouvoirs publics lui font jouer ? Voici des cas précis, qui paraîtront souvent monstrueux, et qui expliquent, par l’exemple, pourquoi la contestation qui remet en cause le principe même des asiles et des prisons n’est pas le fait d’un gauchisme désordonné mais est au cœur même des tentatives qui se font jour actuellement pour diminuer l’injustice et dénoncer le scandale.