Comment l’autobiographie est-elle possible ? Il suffit de prendre sa plume et de commencer le récit de sa vie, en espérant trouver le temps pour l’achever. Mais le temps, qui apparaît d’abord comme limite extérieure, devient bientôt contrainte. Car si l’écriture prend du temps, elle le donne aussi : voici l’autobiographie commencée, à ne plus jamais en finir ; dans l’attente du dernier mot, l’auteur s’érige un tombeau, à l’épitaphe toute prête. « Je suis née à la pointe d’une plume », écrit Violette Leduc au début de La Bâtarde. Écrire engendre l’auteur, mais à titre de personnage. Le temps, dès lors, apparaît aussi comme cet écart qui divise le sujet dans l’écriture, et le transforme en objet, mort déjà avant l’heure, sauf à le ressaisir dans ses seules traces graphiques. La double démarche engagée dans ce livre reflète la duplicité de l’autobiographie : genre constitué à la fois d’un corpus de textes — ici ceux de Violette Leduc — et d’un discours qui met en question leur possibilité comme récits, mais du même geste fonde l’autobiographie comme écriture.