« Tous les genres sont bons, sauf le genre ennuyeux » a écrit Voltaire. Le genre du dialogue des morts a ses lettres de noblesse, puisqu’il fut créé il y a dix-huit siècles par l’écrivain satirique grec Lucien et illustré en France par Fontenelle et par Fénelon. On peut s’étonner qu’il soit si peu cultivé aujourd’hui. Donner la parole à des personnages célèbres, le plus souvent morts depuis peu, est une manière piquante de mettre en valeur leurs idées, leurs passions, leurs vérités ou leurs erreurs, voire leurs crimes ou leurs folies. C’est ainsi que Sartre s’oppose à Albert Camus, Hitler à Bonaparte ou à Churchill, Drieu la Rochelle à Aragon, Pétain à de Gaulle, etc. Pompidou et le dernier Shah d’Iran discutent de la récente guerre du pétrole, Albert Mathiez et Pierre Gaxotte se querellent à propos des mérites de la Révolution Française et de la doctrine des Droits de l’Homme. Dans d’autres dialogues, plus rares, les personnages mis en scène se rapprochent plus qu’ils ne s’opposent, comme par exemple Balzac, Zola et Jules Romains. Dans presque tous les cas, le conflit parfois brutal des caractères est destiné à faire réfléchir le lecteur : c’est le plus souvent à partir de deux paradoxes contradictoires que la vérité se découvre, si elle existe. Jeu intellectuel certes ; mais aussi remise en cause de certaines idées reçues et de certaines gloires consacrées. Sans parti pris et sans haine, et au contraire avec un sourire ironique. Les passions humaines sont dérisoires pour un observateur sceptique ; mais sans elles les hommes ne sont que des fantoches. Ce serait la leçon de cet ouvrage, s’il en a une. Elle n’est pas nouvelle. Mais on peut très bien n’y voir qu’un divertissement historique.