Dans les années soixante et soixante-dix, l’engouement pour Artaud avait atteint une frénésie dont on n’a plus guère idée aujourd’hui. Son prestige est devenu international : du Brésil, du Japon, d’Italie parviennent les échos de rencontres où il figure au premier plan. C’est qu’Artaud couvre tous les registres : cinéma, théâtre (à quoi on l’a longtemps un peu trop limité), mais aussi danse, musique, peinture, voyages et dérive, métaphysique, alchimie, poésie, psychiatrie, etc. On le rencontre à tous les carrefours de la pensée et de l’art contemporains, et partout, même s’il déroute d’abord, il a incité à aller plus loin. Sur sa route, sont apparus et ont dialogué avec lui tous les plus grands noms de sa génération. Impossible, au XXe siècle, de ne pas le rencontrer à tous les niveaux. Depuis près de cinquante ans qu’il a disparu, les passions ne se sont pas éteintes, et la publication (encore inachevée) de ses Œuvres complètes a sans arrêt remis à neuf notre vision de lui. Bien entendu, il y a eu autour de son visage inspiré et tragique une foule de clichés : le dernier poète maudit, le fou prophétique, le gourou, le mystique, le martyr, l’écrivain sulfureux, l’homme du cri et de la transe, le révolté définitif, l’exterminateur de la comédie culturelle... Mais aucune de ces images toutes faites, si superficielle qu’elle apparaisse, n’est complètement dénuée de vérité. Artaud est seulement celui qui excède toutes les frontières et déracine toutes les généalogies. Qu’apporte ce volume, après tant de pages à lui consacrées ? Il vise à procurer l’essentiel : une synthèse, des documents neufs et un dossier où l’on trouvera en appendice (chronologie, théâtre, films, disques et bibliographie) les moyens d’une approche méthodique de l’auteur de Van Gogh, le suicidé de la société.