L'ouvrage montre un visage essentiel — et pourtant longtemps négligé — de l'industrialisation française au XIXe siècle. Ce visage rompt avec l'imagerie traditionnelle des grandes usines urbaines. L'industrialisation française a progressé aussi par diffusion d'activités rurales dispersées au fil de l'eau. Les spécialistes d'archéologie industrielle découvrent depuis quelques années des réalités autres que celles des pays noirs anglais : vallées verdoyantes aux pittoresques roues à eau, fermes-ateliers bien intégrées au paysage agraire, utilisant les ressources énergétiques locales mais employant jusqu'à vingt ouvriers et capables d'un dynamisme qui a perduré en plein XXe siècle.C'est l'un de ces établissements que présentent CI.-I. BRELOT et J.-L. MAYAUD : une fabrique de faux et d'outils agricoles — ou taillants — dans une province éminemment rurale, la Franche-Comté. La taillanderie de Nans-sous-Sainte-Anne (Doubs), établie à la campagne, utilise la technologie de la roue hydraulique, puise dans les ressources forestières voisines et bénéficie des qualités d'une main-d'œuvre formée depuis longtemps au travail du fer; mais les transformations réalisées entre 1880 et 1905 montrent que les patrons de la taillanderie sont des pionniers qui savent utiliser tous les aspects de l'énergie hydraulique. Ils rentabilisent à plein l'augmentation de leur capacité de production et partent à la conquête du marché national de la faux. L'apogée de la production est atteint entre 1900 et 1914, lorsque sont livrés annuellement 20 000 faux et 10 000 outils taillants, soit le vingtième de la production française. La politique commerciale est fondée sur la garantie d'une qualité supérieure et sur l'adaptation des fabrications aux exigences locales des clients. Un réseau commercial, régional et national est alors constitué. C'est l'âge d'or de la taillanderie : est-elle encore un atelier artisanal ? Ne relève-t-elle pas d'un type original d'industrialisation ?Les auteurs :Claude-Isabelle BRELOT, maître-assistant en histoire contemporaine, est directeur de l'Institut des Arts et Traditions populaires à l'Université de Franche-Comté (Besançon). Parallèlement à la préparation d'une thèse de doctorat consacrée à la noblesse comtoise au XIXe siècle, elle a donné diverses publications relatives à l'histoire de la Franche-Comté, envisagée comme un type régional d'évolution dans l'ensemble français.Jean-Luc MAYAUD, professeur d'histoire et de géographie, chargé de cours à l'Université de Franche-Comté, est chercheur à l'Institut des Arts et Traditions populaires. Spécialiste de l'histoire du monde rural, il a montré dans ses publications antérieures le dynamisme d'une petite paysannerie, dynamisme fondé en Franche-Comté sur la communauté de village et l'association en « fruitières ». Avec Louis BERGERON, il dirige aux Éditions Garnier la collection « Histoire provinciale de la Révolution française ». (en préparation).