Dans leur « chez-soi » que cerne un quartier en démolition, Frédy et Barbara affrontent, au jour le jour, le quotidien de l’amour. Habitudes moroses, exaspérations minuscules, meurtrissures silencieuses... Au milieu des ruines pourtant, dans le tintamarre désolant des marteaux-piqueurs, ils s’acharnent. À vivre, à ne pas bouger, à demeurer ensemble... L’immeuble d’en face est encore debout - c’est le seul - et dans le dernier appartement habité, un autre couple anonyme doit s’obstiner, lui aussi, à faire durer l’amour. Ce vis-à-vis étrange, cet espionnage modeste des fins de soirées, quand s’éclairent les fenêtres, c’est peut-être ce qui les justifie. Ainsi, toutes les vies paraissent bien se ressembler. Celle de Frédy et Barbara est conforme, certes, mais à un détail près. A-t-il tant d’importance ? Barbara, il n’y a pas si longtemps, s’appelait Gilbert. En changeant de sexe, elle voulait changer les couleurs de la vie. Comblée hier - quand elle devint presque star -, elle ne l’est plus. Chez elle resurgit donc, par bourrasques, un besoin de strass, de paillettes, d’excessive féminité. Frédy peut-il comprendre ? Cruauté, drôlerie, fantastique affleurant sous les menus gestes de la vie, l’univers absolument singulier de Claude Bourgeyx est tout entier restitué par ce roman d’un amour différent, resté longtemps debout parmi les ruines.