Se penchant sur son passé, son enfance, le narrateur ne conserve que le souvenir d’une succession ininterrompue de décès et de festins funèbres. De funérailles en mangeailles, la mémoire bat le rappel des chers défunts : la tante Berthe monologue sur la tombe de l’oncle Paul, le grand-père se suicide, la grand-mère n’en finit pas de mourir. En fait, ces morts et ces moribonds reparaissent et revivent selon une logique affective — et narrative — étrangère à la chronologie : le nouveau-né du « finale » est l’aïeul du début, la fiction s’ouvre sur la mise en bière de Paul et se clôt sur sa dernière maladie. L’ordre dans lequel les personnages défilent fonde la singulière originalité du récit : cette construction en creux, cette structure inversée, renversée, cyclique, qui nous fait passer d’un enterrement à une naissance et d’un cimetière à une maternité. Mais le véritable tour de force du livre, n’est-ce pas la manière tonique et alerte dont l’auteur traite de sujets tabous, cette façon tendre, émue et presque drôle dont il parle de la vieillesse et de la décrépitude ? Et puis, il y a cet humour rose et noir, ce ton inimitable de Claude Bourgeyx qui invente ici le roman nécrologique.