Trois millions d’étrangers formant 7 % de la population totale : ainsi pouvait être évaluée en 1930 l’importance de la colonie immigrée en France. Ouvriers venant remplacer les morts tombés pendant la guerre de 1914-1918, réfugiés fuyant les révolutions, les dictatures et les persécutions raciales, riches étrangers avantagés par le change, artistes et étudiants attirés par le renom culturel de la France, de nombreuses catégories d’allogènes franchissaient les frontières. Les nouveaux venus étaient si nombreux et jouaient un rôle dans la vie économique sociale et même politique que leur présence ne pouvait passer inaperçue ; on les rencontrait dans la rue, sur les lieux de travail, dans les magasins, les églises, les stades… Les étrangers apparaissaient encore dans les articles de journaux, les discours parlementaires, les romans, les pièces de théâtre, les films. Le présent ouvrage, version abrégée d’une thèse d’histoire, s’appuie sur une documentation d’une ampleur impressionnante, ce qui lui permet d’analyser minutieusement et objectivement les réactions de l’opinion face à cette massive présence étrangère. L’écheveau des réactions individuelles et collectives, idéologiques ou affectives, exprimées par des mots ou des actes, est démêlé. Tour à tour sont étudiés les réflexes élémentaires, les observations plus approfondies suscitées par les étrangers, les comportements des divers groupes nationaux, patrons, industriels, agriculteurs, commerçants, ouvriers, milieux politiques et syndicaux, intellectuels, médecins, chrétiens… Les portraits types des principales nationalités sont brossés, les questions racisme et de l’antisémitisme font l’objet de développements particuliers. Les grandes fluctuations de l’opinion dans le temps et l’espace sont soulignées. Aux tensions d’immédiate après-guerre succèdent les craintes et les espoirs des années vingt, puis une forte pousse de la xénophobie dans les armées trente. Les événements mettant les étrangers en cause, crimes politiques, affaires d’espionnage, afflux des réfugiés demandant le droit d’asile, crises économiques, problèmes sanitaires, sont retracés. Plusieurs exemples régionaux significatifs sont mis en valeur et permettent de présenter une géographie de l’opinion. La question de l’immigration et les débats qu’elle entraîne sont d’une actualité brûlante. Il est donc particulièrement intéressant de voir comment, dans un passé encore proche, les Français, confrontés à une situation comparable, ont réagi. La psychologie du groupe national reste-t-elle immuable ? La réponse est dans ce livre.