Deux récits composent ce recueil. Mémoires de moi et d’elles est l’évocation d’une chaîne biologique à travers grands-parents, oncle, mère. Expériences, visages, lieux, propos, querelles, moments de connivence sont liés autour du narcissisme grave, érotique et moqueur du narrateur. Fascination du frère. Autopsie de la mémoire, de l’inceste rêvé, de l’homosexualité non accomplie. Fééries de voyeur cultivé. Le dandysme, le pianotage sur la touche des apparences, l’introspection raffinée afin de supporter que personne ne soit rien pour personne, afin de refuser que l’être ne soit « une chose programmée ». Tentative narquoise et désespérée du narrateur : devenir le maître total des déséquilibres de l’existence. Le Baigneur bleu invente le personnage d’une vieille fille qui mourra de solitude. Tout le kaléidoscope du passé serré autour des parents et du frère remonte à la surface pour meurtrir, étrangler le présent. Les complexes d’hier, l’incommunication totale, la haine enfin sont contrebalancés par la mythomanie. Quand le corps du Christ se muera en un baigneur bleu, la femme sans amour deviendra mère, mais c’est trop tard. Appel à « l’impudeur du langage ». Psychologie sûre et minutieuse. Préciosité et vigueur du réel. L’entrecroisement des jeux de la mémoire et des blessures du temps, autour de personnages bien vivants, font de ce recueil un fascinant débat.