Mexico ne comptait pas, il y a un siècle, parmi les dix villes du monde les plus peuplées. En quelques décennies, phagocytant le reste du pays, Mexico n’a cessé de s’acheminer vers une monstruosité aujourd’hui sienne dans l’écriture, et s’est pétrifiée dans un chaos en marche. Le paradoxe est formidable. Dans la fiction, celle qui est devenue le chancre de l’Amérique répand sa décomposition. Faisant le vide autour d’elle, ces quarante dernières années, Mexico s’est dressée face à elle-même. La ville enferme le personnage dans un corps à corps de plus en plus menaçant, elle se consume et s’asphyxie dans sa démesure, d’un seul coup figée dans l’unicité d’un cataclysme en devenir. En cette présence monumentale et chaotique sourd, tout ensemble collectif et individuel, l’échec d’un monde avili par l’incurie et le mensonge. Mexico DF… une société s’égare dans une multiplicité de voix qui, loin d’être une richesse, exhale une touffeur confuse. Quarante années d’écriture ont donné deux naissances à Mexico : elle s’est découverte comme monstre de la seconde moitié du vingtième siècle et comme création de l’écrivain. En même temps qu’elle s’est affirmée dans son gigantisme, elle a fait de la parole, de l’écriture, un acte à l’échelle de sa démesure.