Au commencement le mot, le verbe, la seule arme qui ne désigne pas le pouvoir au bout du canon, la seule qui vaille qu’on vive : Gatti, poète. Pour le fils de l’immigré le langage est d’abord un combat. Et pas seulement avec l’ange. Quand les manuels des temps futurs retiendront que la langue de Gatti est l’une des plus belles de ce qui s’appellera alors la littérature française contemporaine, ce ne sera que triste justice. Mais comment dire ce qu’est la recherche du mot juste ? Le combat pour le mot juste, le mot du combat des justes. Le mot juste, c’est-à-dire le mot unique, au moment juste, comme celui qu’échangent les condamnés à mort dans une cellule de la prison de Tulle alors que tout va être dit : « Le matin s’est levé sur ce moment juste, racontera Gatti bien plus tard… Peut-être allions-nous mourir dans quelques heures. Mais si l’aventure devait s’arrêter là, ma vie était remplie. J’avais fait les rencontres essentielles. J’avais vécu ce qu’il y avait de vraiment important dans la vie. Plus tard je me suis aperçu que la vie était faite de ce type de rencontre. Le reste ce n’est que du temps qui s’écoule ». Gatti ou la quête de la parole errante. Ni un voyage, ni un itinéraire, ou alors celui du Grand Tchou ou de l’homme seul, sans fin ni terme, tout juste des étapes. Là où l’homme est plus grand que l’homme, où il prend enfin la mesure de sa démesure. Voici Dante Gatti, fils d’Auguste et de Lætitia, marchant à la poursuite de ses mots « comme si marcher était le but à atteindre ». Marc Kravetz