Née de supports très divers, orientée ensuite vers les cahiers et les grands registres utilisés plus systématiquement après 1900, la formation de l’écriture valéryenne ne saurait être dissociée des conditions matérielles du document, qui définissent une approche particulièrement originale de l’espace de la page, saisi dans l’unité de son fonctionnement. Unité visuelle de l’inscription héritée de Mallarmé, volontiers calligraphique ; unité également de régime scriptural qui, par un phénomène de cadrage et de condensation de la pensée, influant à l’occasion sur la formulation des idées, favorise aussi une écriture paradoxalement éclatée où l’ambition d’un Système intellectuel vient marquer ses limites : la page surface dynamisée par le jeu complexe des énoncés et d’un besoin d’expression souvent illustrative, projette les stratégies diverses qui informent l’élaboration manuscrite C’est l’interaction fécondatrice d’une écriture naissante et des possibles de la page que notre étude s’attache à analyser, à travers ce corpus prisé entre tous par Valéry que sont ses Cahiers - lieu par excellence des commencements, creuset d’une l’œuvre dans des rapports singulièrement creuset d’une pensée qui lie le brouillon et l’œuvre dans des rapports singulièrement interrogatifs et novateurs. Dans cet espace de la genèse, relayé par bien d’autres composantes engendrées par les aléas de l’acte d’écrire, l’écriture trouvera l’un de ses fondements essentiels, désignant par là une importante psychologie de la poétique et de la pratique scripturale dont le statut généralisable aux manuscrits modernes - certains cahiers de Proust, confrontés avec ceux de Valéry, sont ici l’objet de ces recherches envisageables - reste encore à établir.