Avant de vous connaître, je courais vers vous, et je ne le savais pas. J’allais droit devant moi, et j’ignorais où j’allais. Comment aurais-je pu le savoir ? Vous êtes restés cachés pendant si longtemps. Je criais, et je ne savais pas que je vous appelais. J’attendais de pouvoir vous parler. Mon amour vous attendait pour éclore, comme la nature attend la pluie, comme la nuit attend le jour. Vous étiez loin de nous, et nous ne vous avions pas encore faits ; mais l’important n’est peut-être pas que nous vous ayons faits : nous vous avons rencontrés. Je vous ai rencontrés, quant à moi, comme des gens inconnus, et, si jeunes, des personnes à part entière, ayant déjà leurs goûts, leurs désirs, leurs idées propres sur toutes choses. Même lorsque vous étiez sur le point de venir, à l’orée de votre présence je ne vous voyais pas, et j’étais comme un homme qui, sans le savoir, approche d’une forêt magique, et regarde de l’autre côté. Il la longe un moment, et ne s’aperçoit pas de sa splendeur. Mais il y entre un jour. Vous êtes arrivés, et mes yeux se sont ouverts. La forêt m’a fait signe et j’ai tendu les bras.